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En 1993, j’ai écrit cet article: ICONOGRAPHIE_MAISON

ICONOGRAPHIE_MAISON
"
Les icônes sont des images et des représentations dont les caractéristiques ont été fixées suivant des conventions qui constituent leur objet par la simple vertu de la ressemblance. Les icônes cristallisent des systèmes de croyance, des philosophies, des mythes, des cosmologies par un agencement de l’image. Les parties d’une icône, écrit l’iconologue ... dans The Transformation of nature in art n’ont pas de lien organique entre elles, parce qu’on n’envisage pas qu’elles puissent avoir une fonction biologique mais elles ont des liens idéaux. Elles figurent la somme des composantes requises d’une activité donnée, telle qu’elle est formulée dans les termes d’un médium visible et tangible. A la base, les icônes ne représentent aucune idéologie réelle mais une version idéale de celle-ci, basée sur un premier travail de création qu’elle a accompli. Quoi qu’il en soit, les images deviennent des icônes par consentement tacite. Personne ne les crée vraiment mais comme les symboles et les signes, ce statut leur est décerné automatiquement quand elles se mettent à proliférer.

Processus habituel, qui comme il est habituel, est en partie inconscient. Donc, personne en particulier ne crée une icône, elle représente une sorte d’archétype biologique qui se sert d’un médium spécifique et tout le monde sait ce qu’elles sont censées représenter, mais tout le monde n’est pas forcément averti de la transformation d’une chose, d’un événement quotidien en icône. Dans le passé, les icônes avaient une fonction de rappel. Elles représentaient un idéal suprême, un dieu ou un ancêtre mythique, une personne ou un animal qui devenait divinité. Elles étaient complètement dépourvues de sentimentalité. Dans le symbolisme, les parties visibles et tangibles de l’icône devaient correspondre parfaitement au comportement et aux attributs des ancêtres en question, tels que la culture les avait inscrits dans la mémoire collective. Pour notre part, nous ne nous servons désormais que de substituts pour ce rituel fétichiste immémorial.
Les photographies sont nos substituts mais elles se contentent de substituer des schémas d’une banalité transcendante à des schémas de vie quotidienne classique.
A partir de la Renaissance, les artistes se sont mis à mélanger l’art du portrait avec des images icôniques. Avant, les icônes représentaient n’importe qui. Toutes les personnalités s’incarnaient dans une seule, hiératique: n’importe qui peut être tout le monde. Les attributs individuels étant permis à chacun, et chacun prenant part à la composition de cette politique du corps qui est aujourd’hui un mélange de credo politique affiché de race et de choix d’objet."

Les photos instantanées ont toutes une valeur symbolique qui dit toujours "oui". Oui, nous sommes participants de cette valeur. La PICTURE GENERATION travaillait avec les représentations. Depuis les années 90, pour moi, c’est comme un retour à l’Humanisme de la Renaissance où le sujet et l’image deviennent une façon de montrer le monde dont on est participant. Avec le
FANZINE, on est participant d’un monde de plus en plus vaste. A PURPLE, par exemple, on travaille avec des gens de plusieurs pays. On fait un échange de feelings, de style, d’attitudes. L’image de RICHARD HAMILTON, première image du pop art correspond à des choses communes, éphémères, cheap, des productions industrielles, la jeunesse, l’humour, le sexe, le glamour, le big business. La PICTURE GENERATION a travaillé avec ça, mêlé aux photographies.

Mais le
FANZINE montre la vie comme une iconographie. L’iconographie de la vie quotidienne est devenue une forme d’art et la photo instantanée est un genre d’icône. Donc, on voit des photos comme ça dans les musées (image de Jack PIERSON, QUICkTIME 6.1>> Wolfgang TILLMANS. Larry CLARK tourne Kids sur un scénario d’Harmony KORINE. Chloé SAVIGNY est devenue une star de cinéma et de la mode. Elle ne représente pas la même valeur que Marylin MONROE.

QUICKTIME 6.2>> PURPLE a créé PURPLE PROSE, PURPLE FICTION, PURPLE FASHION qui paie le magazine. Ensuite, tout a été rassemblé dans le même volume, les trois dans un seul MAGAZINE. Le titre générique est PURPLE. PURPLE SEXE est édité à part. Les photographes sont restés libres, Richard PRINCE propose un portofolio. On travaille avec un thème, l’architecture, le prochain sera le portrait. On co-édite des magazines, des romans, des catalogues d’exposition (Elysian Fields). Maintenant, tout est en couleurs. Des séries de photos de mode sont faites par Richard PRINCE, Jack PIERSON. Richard PRINCE commence à faire les photos lui-même (série des panneaux de basket, série pour PURPLE SEXE).


PARANOÏA SOFT

En 1994, j’ai écrit un autre article dans lequel je parle des derniers dix ans de la photographie:
Paranoïa soft

"Qui sont les photographes d’aujourd’hui?

Un mode de vie a été mis au point par les jeunes de tous les coins du monde: traîner dans les centres commerciaux, fréquenter les raves, se balader, essayer de se connaître les uns les autres. Ce n’était pas grunge, mais communautaire, dans le sens où un large public international y prenait part. Ce style et cette attitude n’avaient pas encore été adoptés et reproduits par les grands médias et les directeurs artistiques, mais cela est venu par la suite.

Je ne suis pas critique de cinéma mais je suis cinéphile. Des films me rappelaient mes expériences récentes en photographie et vice versa. Dans ces deux moyens d’expression, une tentative de réalisme remplaçait le formalisme pictural des années 80. Comme si les faits et la fiction se reflétaient dans ces home movies et ces photos passées des vieux albums pour se fondre dans une esthétique basée sur les seconds rôles. Ce qui ne signifie pas que la célébrité ou un style, imposant, laqué, pulpeux n’ait pas une importance vitale dans les passions des gens, mais plutôt que le sujet et le caméraman s’étaient tous les deux détournés du centre et regardaient aux confins.

Mais pour devenir artiste, acteur d'un mode de vie, il faut avoir accès à un savoir spécifique donné par les
MAGAZINES et la Télé par câble. Les styles de représentation passent les frontières comme jamais auparavant. Les apparences sont devenues en réalité une monnaie internationale et à mesure que l’information circule et s’accumule, le style devient un labyrinthe complexe de sens et de messages. Les FANZINES ont exploité ce langage de la représentation au maximum. Certains comme ID, THE FACE, PURPLE, ont influencé les magazines de prestige sur papier glacé. Derrière ce savoir spécifique cependant, il y a des métamessages, méta signifie au-delà et un commentaire sous-jacent qui circule comme des virus, des imaginaires, et ceux qui les font circuler, sont tout ce qu’on veut, sauf une avant-garde, tout ce qu’on veut, sauf des théoriciens."

L’origine du format de
PURPLE, c’est un magazine japonais. On a copié la taille de ce magazine et en même temps, on était très inspiré par pas mal de films asiatiques, les films indépendants et la musique indépendante.

Je suis venu en France en 1995. Je travaillais, j’écoutais SONIC YOUTH, NIRVANA, etc... et je voyais pas mal de films de KITANO, de AMOS...
Sue in Manhattan, ou de Larry CLARK. L’influence de ce cinéma est dans notre magazine et dans l’art. On travaille beaucoup avec le Japon, par exemple le photographe Masafumi SANAI (image de couverture du n°4 DE PURPLE, novembre 99). On protège cet esprit international, parce que maintenant les photos sont internationales alors que la PICTURE GENERATION était américaine. Aujourd’hui, cet esprit international, qui est dans la photo, est passé dans la vie quotidienne, il est comme l’essence de notre vie.


QUICKTIME 6.3>>L’EXPOSITION ELYSIAN FIELDS

L’idée était de créer une atmosphère. KITANO nous a donné des peintures. Jorge PARDO, pour cette exposition, a pris l’argent du Guggenheim pour faire sa propre maison. Dike BLAIR travaille avec l’image de l’ikebana. On a créé cinq pavillons, chacun avait un nom (Rêve rouge etc.) C’était une autre manière de faire une exposition.


STYLE

En faisant l’article
Paranoïa soft, j’ai cherché la définition du style chez Meyer SHAPIRO.
On est dans un monde international, on partage une façon de faire les images. Tout le monde est photographe et cette iconographie est très impliquée dans notre vie.

"Meyer SHAPIRO écrivait dans son essai en 1953: 'on entend généralement par style, une constante de la forme et parfois une constante des éléments des qualités et de l’expression dans l’art d’un individu ou d’un groupe. Ce qui constitue
le style en tant que tel, c’est une construction de la diversité tirée, dérivée, appropriée, extraite, volée ou imaginée à partir d’éléments réels, de ressemblances virtuelles, de sensations et de formes pour en faire quelque chose de socialement significatif. Ainsi, c’est une sorte d’habillement des choses familières parce que les styles s’appliquent à des choses familières. Un style représente une sensibilité, un sens du temps, de l’espace et de l’ambiance. Et pourtant, il faut un groupe pour pouvoir y reconnaître un modèle social et pour le promouvoir comme style social. Quelqu’un peut nommer un style mais une reconnaissance de groupe est un ingrédient nécessaire pour qu’une visibilité suffisante de ce style crée un besoin de le nommer. De nos jours, les styles découlent des inventions ou d’inventaires passés dans l’histoire définis par un accord tacite puis mis sur le marché et promus par la publicité, le bouche à oreille, le MAGAZINE, internet etc.

De nouveaux styles naissent et prennent un nom avant de céder la place à d’autres plus neufs. Et pourtant, c’est à peu près
en 1993 que le mot PARANOÏA a cessé de signifier un soupçon absolu ou une mégalomanie traversée d’une obsession du complot pour prendre le sens d’une simple prudence. C’est à peu près à ce moment-là que les tables ont tourné et que les nouveaux magazines, les FANZINES sont devenus les lieux alternatifs du monde de l’art et son terreau fertile. C’est à peu près à ce moment-là que les cures de désintoxication commençaient à englober de nouveaux désordres et que la conscience post-freudienne s’est mise à s’épanouir, que des drogues douces comme le prosac sont sorties pour remédier à nos souffrances intérieures et qu’une forme d’instantané qui nous était familier s’est mis à prendre des allures d’art et que les artistes se sont mis à sortir de partout. Un groupe international d’individus à l’identité semblable reliés les uns aux autres par une algèbre de signes et de sensations. Ils se sont représentés eux-mêmes et ont créé un style qui ne se contentait pas d’avoir de l’allure, mais correspondait à quelque chose de ressenti profondément."


EN CONCLUSION

Quand j’écris un article, c’est un essai, une façon de mener une recherche. Ici j’ai parlé de méta-représentation. En art, on se fiche de la représentation, c’est la méta-représentation qui est importante. C’est la chose derrière la représentation, la valeur symbolique. Même une photo instantanée, dans un contexte où on la voit différemment peut être une oeuvre d’art, on voit la valeur symbolique même si on ne connait pas les gens. Elle crée un monde. Il y a pas mal de photographes qui montrent leur monde propre, comme TILLMANS. On partage ce monde, on est les citoyens de ce monde. On voit les choses comme ça. Et l’art, c’est une façon de partager un monde.

La classification des arts tombe. Dans les années 90, il y a eu un mélange entre mode et art. Le design est réintroduit dans les écoles d’art. Il est possible qu’un artiste arrive de n’importe où, parce que c’est la valeur symbolique, la métaphore, la façon dont ses images expriment quelque chose qui est le plus important.

Un magazine comme
PURPLE : pourquoi ça marche? I don’t know. Pour nous, ça existe encore, peut-être qu’un autre magazine ou un autre système prendra sa place. Tout a commencé pour avec la PICTURE GENERATION, la manière informelle dont on a vu le monde. Le monde informel a changé notre éducation, a cassé la hiérarchie entre high art et low art.
Jasper Johns a dit: "Il faut faire quelque chose et après faire autre chose."
Finished. Fin de la conférence de Jeff RIAN